L’ESPRIT DU SÉJOUR
Randonner, c’est se mettre à l’écoute de son corps et de tout ce qui l'entoure mais c'est aussi s'arrêter pour s'émerveiller, s'ouvrir à la nature.
Randonner, c'est aller à la rencontre de l'autre au détour d'un sentier ou d'un village, rencontre apportant la dimension humaine à la découverte d’un pays.
RAPPEL HISTORIQUE
Quelques généralités sur l'Edit de Nantes, sa révocation et la chasse aux protestants :
La situation religieuse de l'Europe au XVIIème siècle :
La situation française sous le régime de l'Edit de Nantes est exceptionnelle en Europe au XVIIème siècle, où la tolérance religieuse n'est pas de mise.
Cette situation de cohabitation (plus ou moins paisible) des deux religions, catholique et réformée, n'est absolument pas le fruit d'une volonté de tolérance mais la constatation que les rapports de force militaires des partis catholiques et protestants n'ont pas permis de dégager clairement un vainqueur.
Le premier statut de l'Edit de Nantes, qui accorde des places fortes et une puissance militaire aux protestants est d'ailleurs insupportable aux yeux de Louis XIII et de Richelieu, pour qui les protestants constituent un Etat dans l'Etat, en contradiction avec le principe d'absolutisme (toute puissance de l'Etat central régit par le monarque et son conseil) qui guide leur action, d'où les guerres de religion de Louis XIII (1625-27), qui aboutissent à l'Edit d'Alès en 1629, qui reconduit les principales dispositions de l'Edit de Nantes (pour la liberté du culte) mais supprime les places fortes et les armées protestantes.
Cet état de fait, qui aurait pu être durable, est encore une originalité au sein de l'Europe de l'époque : les autres grandes puissances n'acceptent pas la cohabitation religieuse.
L'Espagne est ultra-catholique et la Réforme n'a jamais pu y prendre pied. L'Autriche des Habsbourg, qui fut pourtant confrontée de près à divers stades de la Reforme demeure exclusivement catholique et après avoir vigoureusement combattu le protestantisme en Allemagne, sans succès, l'a non moins fermement interdit dans les terres autrichiennes. L'Angleterre se veut exclusivement protestante, elle n'accepte que provisoirement les catholiques et dans des conditions très difficiles pour eux. Les principautés allemandes après la longue et dévastatrice guerre de 30 ans (qui fut entre autre une guerre de religion) sont soumises à la foi du prince, en vertu du principe cujus regio ejus religio, c'est à dire que le peuple embrasse automatiquement la confession de son dirigeant. Il n'y a guère que la Hollande qui évolue vers une forme de cohabitation religieuse, parce qu'il s'est avéré difficile pour les Hollandais d'expulser ou de convertir tous les catholiques du sud de la Hollande, puis les Hollandais, majoritairement calvinistes, après des persécutions contre les luthériens se sont résignés à accepter ceux-ci, entre autre parce que les persécutions étaient mauvaises pour les affaires.
Bref, l'idée de tolérance religieuse n'a cours nulle part en Europe au XVIIème siècle, il faudra attendre le siècle suivant, les Lumières et les philosophes, pour que cette idée soit diffusée, avant de connaitre un début d'application.
La responsabilité personnelle de Louis XIV dans la Révocation :
Si Louis XIV est un souverain absolu depuis 1661 et s'il a clairement une responsabilité personnelle écrasante dans la Révocation de 1685 et dans la politique anti-protestante, il n'est pas le seul à partager cette responsabilité ; s'il est exagéré de dire qu'elle faisait l'unanimité au sein du Conseil et de l'appareil d'Etat, il faut en revanche souligner que les protestants n'ont eu que très peu de défenseurs et qu'il n'y a quasiment pas eu d'opposition, au sein de la cour, à la Révocation. Colbert était le principal obstacle aux persécutions anti-protestantes, surtout pour des raisons pratiques et économiques, et la Révocation aurait été difficile de son vivant, mais sa mort en 1683 laisse le champ libre au roi ; Ensuite il n'y a guère que Vauban, parmi les figures notables, qui ait exprimé son opposition.
Sur le terrain, c'est à dire au niveau des intendants qui dirigent des régions à forte implantation protestante, la situation est plus contrastée : certain comme Marignac (en Poitou) sont promoteurs de mesures particulièrement dures contre les Huguenots tandis que d'autres à la fois plus humains et plus réalistes, rechignent aux persécutions.
Au niveau du Dauphiné, par exemple, le gouverneur, Jean Etienne Bouchu n'a pas d'états d'âme et se distingue par sa sévérité envers les protestants mais sa politique ne rencontre guère d'opposition ; certains officiers chargés d'appliquer les mesures anti-protestantes doutent de leur efficacité, mais je n'en ai remarqué aucun qui exprime une opposition de principe à la volonté d'éradication de la Réforme, même dans leurs écrits privés (comme les mémoires du Major St Clair).
Parmi l'entourage du roi, les promoteurs les plus notoires de la Révocation, pour la plupart adhérents du parti dévot, sont Bossuet, évêque de Meaux et confesseur de Louis XIV, Mme de Maintenon, sa maîtresse puis sa femme, la mère de Louis, Anne d'Autriche, qui lui aurait fait jurer sur son lit de mort de supprimer le protestantisme en France et l'on ne compte pas les évêques et archevêques qui poussent à la Révocation, par conviction ou par flagornerie, en particulier. De Cosnac, évêque de Valence, qui flatte le roi en allant jusqu'à évoquer la supériorité des mesures de Louis XIV sur celle des souverains espagnols de la Reconquiesta, qui ont laissé aux Maures et aux Juifs la possibilité de l'exil après la chute du royaume de Grenade (en 1492), alors qu'en France les protestants n'ont pas le droit de fuir.
Les résultats de la Révocation et de la politique anti-protestante :
Sur le plan religieux en France :
La Révocation est un fiasco, dans la mesure où les conversions au catholicisme, pour ceux qui restent, n'ont aucune sincérité, de l'aveu même des évêques et des curés qui sont au plus près de leurs ouailles.
Les conversions militaires ou forcées à une religion sont pourtant légions dans l'histoire, la force armée ayant été un vecteur important de diffusion du Christianisme et de l'Islam, mais les effets ne peuvent pas se mesurer avant des générations, et avec l'alphabétisation des populations et la diffusion des écrits les temps ont changé et les conversions sont plus difficiles.
Le roi de France espérait une reconnaissance du pape (Innocent XI) pour sa lutte contre les protestants : peine perdue, il n'a rien obtenu, pour des raisons qui n'ont pas de rapport direct avec la Révocation : le pape et Louis XIV sont en conflit au sujet de de l'affaire de la Régale et plus généralement la volonté française d'avoir la mainmise complète sur le haut-clergé français et les bénéfices ecclésiastiques, conflit récurrent depuis des siècles et il est hors de question pour le pape d'accorder quoi que ce soit à la France sans y être contraint par des rapports de force, comme à l'accoutumée.
Les répercussions internationales :
C'est clairement et globalement un désastre pour l'image de la France et cela aura des répercussions sur les guerres de fin de règne de Louis XIV.
En soi même l'intolérance religieuse n'a rien de choquant mais l'innovation française (on interdit jusqu'à l'émigration des protestants) et l'ampleur des persécutions heurtent l'opinion européenne. Il faut dire que dans les premières années de son règne personnel (à partir de 1661) Louis (agresseur né d'après J. Orcibal) se distingue par son arrogance et effraye ses voisins.
La peur de Louis XIV sera d'ailleurs une des motivations de la deuxième révolution anglaise, c'est à dire la prise du pouvoir par Guillaume d'Orange et l'expulsion des catholiques d'Angleterre.
Les Etats protestants, qui furent clients ou alliés de la France pendant la guerre de 30 ans s'en détournent, tandis que les puissances catholiques, Autriche en tête, restent plus que jamais opposés à la France.
Bref, Louis a réussi à faire la quasi-unanimité contre lui, même parmi les puissances catholiques et pour dernière guerre (de succession d'Espagne, 1701-1712) la France devra faire face à une coalition regroupant presque toutes les puissances européennes, à l'exception de l'Espagne.
LE SENTIER EN SUISSE
Source : www.via-huguenots.ch/fr
A propos des Vaudois du Piémont
Après la Révocation de l’Edit de Nantes, le duc de Savoie Victor Amédée II, sous la pression de son allié le Roi de France, publie toute une série d’édits. En janvier 1686, il ordonne - comme en France - la cessation immédiate de toute forme de culte, la démolition des temples, l’éloignement des pasteurs et des enseignants ainsi que le baptême catholique pour les nouveau-nés vaudois. Les troupes du duc, avec le renfort de celles du roi de France, envahissent alors les Vallées vaudoises. Des 12 à 13'000 Vaudois présents dans les Vallées 2'000 environ meurent au combat. Les survivants sont emprisonnés dans quatorze prisons du Piémont. C’est à la fin de l’année 1686 que Victor Amédée II accepte de libérer les prisonniers, en particulier sous la pression de LL Excellences de Berne. Par un édit du 3 janvier 1687, il ordonne « l’exil perpétuel pour ceux qui se sont obstinés dans leur foi ». Au final ils sont 2'700 à choisir la voie de l’exil qui les conduit - par le Mont-Cenis et la Savoie - à Genève. En août 1689, lors de La Glorieuse Rentrée », plus de 900 d’entre eux repartent de Suisse (plus précisément de Prangins) pour couvrir les quelque 200 kilomètres qui les séparent de leurs Vallées.
La Confédération Helvétique au temps du « Grand Refuge » (1685-1730) (voir note)
La situation géographique de la Suisse et sa structure politique confédérale, bi-confessionnelle depuis la Réformation, la prédestinait à être une terre d’asile. A la Révocation de l’Edit de Nantes, des milliers de fugitifs se pressent aux portes de la Confédération, Genève étant la plus concernée. Ils traversent les forêts austères du Jura vers Neuchâtel et le Pays de Vaud, ou bien ils franchissent les Alpes par le Grand Saint-Bernard, d’autres visent Coire par les cols des Grisons. Parmi les itinéraires parcourus par les réfugiés, deux voies principales sont retenues entre Genève et Schaffhouse.
Les cantons réformés réagissent en créant une clé de répartition, un plan de financement, des lieux d’accueil pour faire face à cette avalanche humaine. Pourtant le maintien de la paix confessionnelle et les intérêts communs de tous les cantons quant au Traité d’ « Alliance perpétuelle » avec la France imposent une politique d’accueil prudente. Dès la fin du 17ème siècle, l’effort de solidarité s’essouffle au vu de la situation économique de la Suisse, la famine rôde … et les réfugiés sont tenus de poursuivre leur route vers les principautés protestantes d’Allemagne et d’autres pays qui leur offrent un asile définitif.
Sur 160'000 Huguenots et Vaudois du Piémont, 60'000 environ ont passé par la Suisse, mais seul un petit pourcentage a fait souche chez nous. Cheminer sur leurs traces aujourd’hui, c’est découvrir une page d’histoire suisse et européenne peu connue dans son ensemble. C’est la raison de l’engagement de la Fondation VIA pour ce projet.
BIBLIOGRAPHIE SUR LES HUGUENOTS
Ouvrages généraux sur le contexte de l'Edit de Fontainebleau et le règne de Louis XIV :
GARRISSON (Jeannine) :
- L'Edit de Nantes et sa révocation, Histoire d'une intolérance, Paris, 1985
- Protestants du Midi (1559-1598), Toulouse, 1980,375 pages.
LABROUSSE (Elizabeth), La révocation de l'édit de Nantes, "Une foi, une loi, un roi?", Genève, 1985.
BOISSON (Didier), DAUSSY (Hugues), Les protestants dans la France moderne, Paris, 2006.
GOUBERT (Pierre), Louis XIV et vingt millions de français.
JAHAN (Emmanuel), La confiscation des biens des religionnaires fugitifs, de la révocation de l'Edit de Nantes à la Révolution, Thèse de doctorat de droit soutenue à Paris en 1957 sous la direction de M. Dumont, Paris, 1959.
MICHELET (Jules), Louis XIV et la révocation de l'édit de Nantes, Paris, 1860.
ORCIBAL (Jean), Louis XIV et les protestants, la cabale des accommodeurs de religion, la caisse des conversions, la révocation de l'Edit de Nantes, Paris, 1951.
SOLE (Jacques), Les origines intellectuelles de la révocation de l'Edit de Nantes, Publication de l'université de Saint Etienne, 1997.
MIQUEL (Pierre), Les guerres de religions, Fayard, Paris, 1997.
Ouvrages locaux (Dauphiné/Diois) :
BETHOUX (Pierre), Sortez de Babylone ! La révocation de l'Edit de Nantes dans le pays de Mens, Presses universitaires de Grenoble, 1985.
BOLLE (Pierre) :
- Le protestantisme en Dauphiné au XVII° siècle, Religion et vie quotidienne à Mens en Triève, Die et Gap, Les pays protestants à la veille de la révocation, et plus particulièrement la contribution d'Annette MASSEPORT, Religion et vie quotidienne à Die (1659-1685), p173 à 245, Tome I, Poet-Laval, 1983.
- L'édit de Nantes : un compromis réussi ? Une paix des religions en Dauphiné-Vivarais et en Europe, actes du colloque des 17 et 18 avril 1998 à Montélimar sous la direction de Pierre Bolle, collection la pierre et l'écrit, Grenoble, 1999.
L'Intendance de Dauphiné en 1698, Edition critique du mémoire rédigé par l'intendant Etienne-Jean Bouchu "pour l'instruction du duc de Bourgogne", sous la direction de Bernard BONNIN et de René FAVIER, Edition du CTHS, volume 35, Paris, 2005, réédition de l'original (Mémoire sur le Dauphiné dressé le premier janvier 1698 par M.Bouchu).
Ouvrages sur les Huguenots:
ARNAUD (Eugène), Histoire des protestants du Dauphiné aux XVI, XVII et XVIII siècles, tome III, quatrième période : le Désert 1685-1791, Genève, 1970 (réimpression de l'édition de Paris de 1875-76).
BENOIT (Elie), Histoire de l'Edit de Nantes, Delft, 1685.
COURT (Antoine), sa relation sur les forçats de la foi, reprise par Athanase Cocquerel, Paris, 1866.
LEONARD (Emile G) :
Histoire générale du protestantisme en France, Tome II, Chap. VII, P.U.F., Paris, 1961, 449 pages.;
Tome III, chap.II, Paris, 1964, 782 pages.
MOURS (Samuel), Le protestantisme en France au XVII° siècle, Paris, 1967.
WOLFF (Philippe, sous la direction de), Histoire des protestants en France, de la Réforme à la Révolution, Toulouse, 2001
ADRESSES UTILES
- Association Sur Les Pas des Huguenots : 8 Rue de la Garde de Dieu 26220 Dieulefit
- Fondation VIA-Sur les pas des Huguenots et des Vaudois du Piémont, 11c, route des Areneys
CH-1806 Saint-Légier/ La Chiésaz
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